Louis-François Cassas
Louis-François Cassas
Azay le Ferron 1756 – Versailles 1827
- Temple de Neptune à Palmyre
- Portion de la grande Galerie à Palmyre
- Tombeaux près de Palmyre (Mausolée d’Élabelus et autres monuments funéraires)
- Mausolées près de Palmyre (Mausolée d’Iamblicus et autres monuments funéraires).
Plume et encre brune, aquarelle
Les quatre montés dans le même encadrement.
240 x 375 mm (dessin) 64 x 91,5 cm (cadre)
Œuvres en rapport
On trouve dans le Voyage pittoresque de la Syrie, de la Phénicie, de la Palestine et de la Basse-Égypte (1799, 2 sur 3 volumes, 330 planches) plusieurs planches en rapport avec nos dessins.
- Notre dessin correspond à la planche n° 87 : Temple de Neptune à Palmyre. La vue est prise nord-ouest. Sur le premier plan, on voit les ruines d’un grand Édifice.
Le même temple est gravé dans l’autre sens, prise au Sud, sur la planche 86.
- Notre dessin correspond à la planche n° 81
- Notre dessin est gravé à la planche n° 104 : Mausolées situés dans la vallée qui conduit à Palmyre : cette vue générale est prise près du tombeau d’Elabélus, en regardant les ruines de la ville
La tour de gauche, le mausolée d’Elabélus, est également étudiée à part planche 119 et 124, et des détails planche 127 et 110.
- Notre dessin n’est pas exactement repris en gravure mais la vue correspond à la planche n° 101 : Mausolées situés dans la vallée qui conduit à Palmyre : cette vue est prise du penchant de la colline en face du désert. Le mausolée d’Iamblicus est également étudié en coupe planche 108 et 109 et en détail planche 113. La composition est reprise dans une vue aux dimensions supérieures et avec des différences, conservée au musée de Tours.
Intrépide voyageur et dessinateur inlassable, Cassas bénéficia d’une éducation à la fois éclectique et élitiste. Son père ingénieur architecte l’introduit à l’âge de 14 ans sur le chantier du pont de Tour dirigé par Cadet de Limay qui le présente à son beau-père, l’amateur orléanais Aignan-Thomas Desfriches (1715-1800). Cet ancien élève de Natoire, proche de tous les artistes importants de l’époque, le présente à Louis Antoine de Chabot, devenu duc de Rohan-Chabot en 1791, et son épouse Élisabeth Louise de la Rochefoucauld. Ceux-ci invitent le jeune artiste à rejoindre les soirées de leur académie de dessin privée, lieu d’émulation artistique et mondaine où il a pu rencontrer entre 1775 et 1778 toutes les personnalités de premier plan de l’époque. Après un premier voyage en Hollande en 1776, puis un séjour en Bretagne, c’est en Italie, où il accompagne son premier mécène, Louis Antoine de Chabot et sa famille entre 1778 et 1783, qu’il achève sa formation de la meilleure façon : il dessine et produit des centaines de feuilles, vues de sites, de paysage, relevés d’antiques etc ; il sélectionne des pièces rares, antiquités, objets, tableaux, pour son mécène ; il élargit son réseau d’amis et de commanditaires ; il visite Milan, Parme, Rome, Naples et Venise mais aussi l’Istrie et la Dalmatie (Croatie actuelle, ainsi qu’un peu de Montenegro et Herzégovine) où il dessine abondamment. Enfin, il termine son périple italien par la Sicile où il accompagne Vivant Denon pour participer à l’illustration du Voyage pittoresque ou description des Royaumes de Naples et de Sicile (1781-1786, 4 vol.) publié par l’abbé de Saint-Non.
Après un bref retour à Paris, c’est à la demande du comte de Choiseul Gouffier, (ambassadeur à Constantinople de 1784 à 1791) qu’il embarque en 1784 pour un voyage qui l’emmenera vers les plus grands sites de l’empire Ottoman – Smyrne, Éphèse, Alexandrette, Alep, Palmyre, Baalbek etc – à travers l’Égypte, la Palestine et la Syrie. Cassas prend l’initiative de pousser jusqu’à des terres alors quasiment inexplorées[1], à l’exemple de Palmyre, qu’il n’atteint qu’après de grandes difficultés, « en danger continuel de perdre la vie » comme il l’écrit à Choiseul Gouffier le 21 juillet 1785. Mais « on découvre subitement le coup d’œil le plus extraordinaire et le plus romanesque : ruines superbes, colonnades et portiques sans nombre, tous de marbre blanc, une infinité de restes de temples, etc… Le terrain dans l’espace de deux lieues est tout couvert de colonnes brisées, de chapiteaux, de statues, d’autels, etc … Au milieu, le temple du Soleil, le plus beau et le plus grand de tous les temples de l’Antiquité s’élève et domine le désert qui ressemble à une vaste mer. C’est dans l’enceinte de ce beau monument que je fus logé, et c’est au milieu des plus grands dangers que je suis venu à bout de dessiner et de mesurer ce qu’il y a d’intéressant. »[2]
Les relevés qu’il exécute alors, tels que les quelques 200 dessins réalisés sur le site de Palmyre ainsi que ses notes écrites, sont aujourd’hui cruciaux pour la connaissance de ces sites même s’il ne respecte pas toujours la topographie dans certaines de ses vues recomposées. Son retour à Constantinople fait sensation, ses dessins sont attendus avec une grande impatience : « Il y a du nouveau pour l’architecture » écrit un inconnu passionné au graveur Foucherot[3]. Après neuf mois à Constantinople, Cassas séjourne à nouveau à Rome entre 1787 et 1791 où il est retenu par plusieurs affaires pour Choiseul Gouffier. Enfin de retour à Paris en 1791, il peut prendre le temps de se consacrer à la publication du matériel graphique exécuté pendant ses voyages, ainsi que de ses nombreuses et passionnantes notes. Voyage pittoresque de la Syrie, de la Phénicie, de la Palestine et de la Basse-Égypte (1799, 2 sur 3 volumes, 330 planches), Voyage pittoresque et historique de l’Istrie et de la Dalmatie (1802, 69 planches), Grandes vues pittoresques des principaux sites et monuments de la Grèce, de la Sicile, et des sept collines de Rome (1813) sont publiés, avec difficulté. À Paris, suscitant la curiosité et l’admiration, Cassas peut vivre grâce à la vente de ses dessins. En 1806, il ouvre dans son appartement de la rue de Seine un petit musée où il expose des maquettes des monuments qu’il a dessinés pendant son long voyage, un ensemble qui sera acheté par l’État en 1813. À partir de 1816, il exerce comme professeur aux Gobelins et produit pour les amateurs de grandes aquarelles représentant les sites ou les événements spectaculaires de ses voyages, utilisant ses croquis faits sur le vif et déclinant ses vues en différents formats. Ainsi, un dessin conservé au musée des Beaux-arts de Tours sous le titre de Tours funéraires des tribus palmyréniennes et daté de 1821 reprend avec des différences la composition de notre quatrième dessin.
Des quatre vues réunies dans ce cadre, trois ont été gravées dans le tome I de son ouvrage majeur, Voyage pittoresque de la Syrie, de la Phénicie, de la Palestine et de la Basse-Égypte ; la quatrième vue s’y trouve également, mais prise d’un point de vue différent (voir œuvres en rapport). Cassas a gravé également beaucoup de détails des monuments, l’intérieur, les coupes, les ornements. Il veut restituer la réalité de l’histoire. Palmyre est « fille du désert » écrit-il dans le Voyage pittoresque. C’est l’aridité du désert et l’omniprésence du soleil, qui n’est ici qu’un « tyran destructeur » qu’il veut montrer, en plus des ruines. « Palmyre, partout, dans ses murs, hors de ses murs, voit un sol attristé que, nulle part, ne consolent ni les sources, ni les herbes, ni les plantes, ni les arbres. Palmyre, l’émule, sinon l’exemple de Rome, jamais n’a pu, comme sa rivale heureuse, allier ses magnificences avec la fraîcheur et l’ombrage.[4] » Ces dessins font très probablement partie du matériel assemblé par l’artiste sur place, dessinés à la plume et à l’encre sur le site et aquarellés plus tard. Le Victoria and Albert Museum possède de nombreuses œuvres de même dimension et de la même façon préparatoires aux compositions du Voyage pittoresque et historique de l’Istrie et de la Dalmatie, compilé par J. Lavallée et publié en deux volumes en 1802. Réalisées à la plume et au lavis in situ, elles ont été complétées et colorées par la suite en atelier. C’est probablement le cas des nôtres.
1 En 1695, le récit de deux marchands anglais résidant à Alep et parvenus à Palmyre en 1691 est publié à Londres ; en 1751, James Dawkins et Robert Wood, accompagnés du dessinateur italien Giovanni Baptista Borra séjournent deux semaines sur place et publient un récit en 1753. Ce sont les seules explorations de la région avant Cassas.
2 Lettre à Desfriches du 22 janvier 1786.
3 Henri Boucher, « Louis-François Cassas », Gazette des Beaux-arts, juillet -août 1926 (p. 27-53), p. 44, note 1.
4 Voyage pittoresque de la Syrie, de la Phénicie, de la Palestine et de la Basse-Égypte, p. 8.