Alphonse Hirsch
Alphonse Hirsch
Paris 1843-1884
Portrait de femme tenant un éventail fermé
Huile sur toile. Signé et daté en haut à gauche Alphonse Hirsch 1874.
Un autre tableau sous-jacent visible sur les bords.
56 x 38 cm (22 x 14 15/16 in.)
Dans une robe blanche gansée de noir, cette jeune femme brune de la haute bourgeoisie parisienne du début de la IIIe République se tient assise sur un sofa bleu gris, fourni de coussins aux motifs de plumes de paon. Son regard est ouvert et direct, ses mains reposent sur ses jambes, tenant un éventail fermé. D’un grand raffinement, le portrait illustre tout le talent du peintre par son utilisation subtile d’une palette froide - des bleus, des gris - rehaussée par de petites touches de rouge sur le coussin.
Peintre et graveur proche des Impressionnistes, Alphonse Hirsch n’est plus aujourd’hui très connu. Pourtant « aucun Parisien n’eut plus de relations que celui-là[1] » nous dit l’un de ses premiers biographes. Issu d’une famille de quatre enfants précocement orphelins de leur père et élevés par leur mère, Alphonse travaille d’abord dans la finance. À l’âge de 24 ans, comme son frère Émile, peintre verrier, il décide de se consacrer à l’art et commence sa formation par des séances de copies au Louvre. Il se forme à la gravure auprès de François Flameng (1865-1923) et à la peinture auprès de Léon Bonnat et d’Ernest Meissonier. C’est au titre de graveur d’interprétation qu’il débute au Salon de 1869 mais dès l’année suivante, il montre une huile sur toile et va rapidement se spécialiser dans les scènes de genre et les portraits.
Pendant la guerre de 1870, il s’enrôle, devient attaché aux munitions à l’Hôtel de ville puis lieutenant de la garde nationale. À la fin du siège, il est mobilisé par la Commune. Proche de peintres comme Édouard Manet, Edgar Degas, Marcelle Desboutins et Giuseppe de Nittis, d’écrivains comme Alphonse Daudet et Edmond de Goncourt et de musiciens parmi lesquels Jules Massenet, Charles Gounod, il est très introduit dans la haute société parisienne. En témoigne son célèbre portrait des enfants de la famille Camondo dans leur jardin d’hiver (1875). Manet a peint plusieurs de ses œuvres dans le jardin de l’atelier de Hirsch, situé au bord du chemin de fer de l’Ouest, juste derrière le sien qui était au 58 de la rue de Rome. Parmi elles, Le Chemin de fer (Washington, National Gallery) sur lequel posent Victorine Meurent et la fille de Hirsch. C’est Hirsch qui présente Mery Laurent à Manet, qui réalisera au pastel le portrait allégorique de la célèbre courtisane, L’Automne ou Méry Laurent au chapeau noir (Dijon, Musée des Beaux-arts).
Hirsch est aussi collectionneur et possède de nombreuses gravures de Charles Meryon et Félix Bracquemond. Grand amateur d’art japonais il est l’un des membres fondateurs de la Société du Jing-Lar qui réunit Zacharie Astruc, Philippe Burty, Henry Fantin Latour, Félix Bracquemond et Marc-Louis Solon, le directeur de la manufacture de Sèvres autour de leur passion pour l’art japonais[2]. La collection d’Alphonse Hirsch semble avoir forcé l’admiration de ses contemporains notamment celle de Louis Gonse[3]. À sa mort pourtant, aucune vente publique n’est organisée et les objets ne sont aujourd’hui plus localisés.
En peinture, Hirsch commence par des scènes d’intérieur qu’il expose au Salon au début des années 1870 et dont peu ont réapparu[4]. C’est Léon Bonnat qui lui conseille de se mettre au portrait. Il exécutera ceux de personnalités comme l’écrivain Octave Feuillet (Musée d’art et d’histoire, Saint-Lô) ou Isidor le Grand Rabbin de France[5]. Il multiplie les petits portraits à l’image du nôtre, mais aussi de celui de Siegfried Bing[6] chez lequel il achète régulièrement de l’art japonais, et d’Ernest Daudet. Il est régulièrement encouragé par la critique mais, mort à 41 ans, il tombe rapidement dans l’oubli. Parmi les nombreuses œuvres répertoriées par les livrets des Salons et décrites par les commentateurs de l’époque, peu nous sont parvenues ou ont été identifiées avec certitude. Daté de 1874, notre portrait est l’un des tout premiers réalisés par l’artiste et le talent qu’il y démontre ne peut en effet qu’avoir incité Léon Bonnat à le pousser dans cette voie. « Dans le portrait, il arrivait à la ressemblance parfaite, avec des clartés de ton et des hardiesses de pinceau qui le rapprochent à la fois des maîtres anciens et des novateurs », commente Charles Frank avec justesse[7]. Dans notre œuvre en effet, les mains sont peintes avec un réalisme précis, minutieux, presque photographique, tandis que le chatoiement de la robe est traité en large coups de pinceau libres et modernes, destinés à être vus avec un peu de distance afin que l’image prenne forme et rappelant le faire de Man
1 Albert Wolff, Le Figaro, 18 juillet 1884.
2 Exposition Le Japonisme, Grand Palais 17 mai-15 août 1988, catalogue Paris RMN, 1988, p. 80.
3 Louis Gonse, « Collection de M. Alphonse Hirsch », Catalogue de l’exposition rétrospective de l’Art japonais organisé par Louis Gonse, Paris, A. Quantin, avril 1883, p. 373-395, n° 1-176.
4 En visite, exposé au Salon de 1875 est connu par la reproduction dans L’Univers illustré de 1875 d’après une photographie de M. Goupil.
5 Connu par sa reproduction dans L’Univers Illustré de 1877, le tableau est commenté et décrit dans la Revue des deux mondes, 1877, tome 21, p. 836.
6 Exposé en 1878, voir livret d’exposition : Cercle artistique et littéraire, Exposition de peintures et de sculptures de 1878, Paris, imprimerie Paul Dupont, p. 18, n°120.
7 Charles Frank, « Alphonse Hirsch », L’univers illustré, 26 juillet 1884, p. 474.