Vincent Courdouan
Vincent Courdouan
Toulon 1810 – 1893
Vue de la baie du bec de l’aigle, La Ciotat
Crayon, pastel, gouache. Signé, daté et dédicacé V. Courdouan 1865 à son ami Jaincy (?) en bas à gauche.
277 x 440 mm (10 15/16 x 17 5/16 in.)
Élève de l’illustrateur et caricaturiste toulonnais Pierre Letuaire, Vincent Courdouan entre à l’École des Beaux-arts de la Marine dirigée par le sculpteur Félix Brun puis se rend à Paris vers 1829. Là, il étudie la gravure et entre dans l’atelier d’un peintre lui aussi né à Toulon, Jean-Baptiste Paulin Guérin (1783 – 1855), ancien élève de François Gérard et de François André Vincent, qui l’héberge en plus de lui apprendre le métier dans son atelier du Mont-Thabor. Au début des années 1830, Courdouan est déjà de retour dans sa ville natale où il est élu membre de l’Académie du Var en 1833 et ouvre un atelier dans lequel il enseigne l’aquarelle et le dessin à de nombreux élèves. Sous le règne de Louis-Philippe, Toulon est un port d’une grande importance depuis lequel s’organise toute la présence de la flotte française en Méditerranée, dont le départ de l’Armada pour Alger en 1830 ainsi que de nombreuses expéditions, dont celles de Dumont d’Urville. Dans cette ville, Courdouan se tourne essentiellement, mais pas exclusivement, vers la peinture de marines, scènes de combats, de pêche, de tempête et de vues de ville.
En 1836, il séjourne à Paris, se lie d’amitié avec Horace Vernet, Théodore Gudin et Léopold Robert et découvre la forêt de Fontainebleau. Il voyage à Naples en 1844, en Algérie en 1847 et en Égypte en 1866. Nommé professeur à l’École de la Marine de Toulon en 1849, il reçoit la légion d’honneur de Napoléon III en 1852 et devient le directeur honoraire du musée de Toulon en 1857. Il participe au Salon de Paris de 1835 à 1883, où il envoie aussi bien des dessins (crayons, pastels) que des peintures. Il participe également aux expositions organisées par Émile Loubon à la Société des amis des arts de Marseille ainsi qu’à celles organisées par la Société artistique des Bouches du Rhône, auxquelles participent d’autres peintres provençaux tels qu’Ingres, Granet, Delacroix, Decamps, Couture, Courbet, Corot, Rousseau, Troyon, Diaz etc. Jusqu’au début des années 1840, Courdouan dessine plus qu’il ne peint mais cette tendance s’inverse et il se met à produire des toiles plus abondamment, des paysages, particulièrement des marines, et des scènes orientalistes. S’il représente régulièrement la nature idyllique et solaire du midi, il excelle surtout à en mettre en valeur les aspects dramatiques et violent ; sa Vallée des angoisses (1857, musée de Toulon), témoigne de son sens inné du spectaculaire et sa perception encore romantique d’une nature hostile et sauvage, écrasante et irrépressible. De même, sa Vue de la Ponche à Saint-Tropez (musée d’art de Toulon) montre le petit port en butte aux intempéries, loin des traditionnelles représentations douces et lumineuses des côtes méridionales. Sa vision de la nature méditerranéenne est nourrie de la poésie de ses contemporains et amis, Jean Aicard et Frédéric Mistral. Ce dernier le fait d’ailleurs entrer au Félibrige en 1763, association vouée à la sauvegarde et la promotion de la culture et de l’identité des pays de langue d’oc.
Courdouan est un dessinateur inlassable et expérimental. Il dessine aussi bien au crayon, pour des croquis, des études, portraits et scènes de la vie, qu’à l’aquarelle et à la gouache. Lors de son voyage en Algérie, il multiplie les vues au crayon sur papier bistre avec forts rehauts de blanc. Dans cette gouache de très grande taille, Courdouan, alors un artiste très confirmé, capte avec réalisme et sensibilité les contrastes lumineux de la baie de Toulon, l’atmosphère maritime chargée et les vibrations de l’air. Dans la partie droite, sur les terres, le ciel est clair et bleu tandis que flottant au-dessus de la mer, de gros nuages s’amoncellent dont la densité est suggérée par le mélange de blanc, de différents gris et même de tons ocres obtenus par la réserve du papier. La mer d’hiver agitée, verte, jaune et bleue tout à la fois, roule ses paquets d’écume vers la plage. La découpe dramatique des rochers du premier plan fait écho à celle du rocher dit du bec de l’aigle, qui referme visuellement l’ovale formé par la baie, ainsi qu’aux formes abruptes des nuages ; les petites silhouettes qui se groupent sur la plage sont mises en valeur par des taches de couleurs ; tout cela concourt à inclure le spectateur dans le mouvement des éléments. Une grande vue panoramique peinte quelques années plus tôt[1] présente le même point de vue de la baie mais dans une atmosphère très différente. Sous le ciel dégagé, dans la lumière paisible du matin, la plage y apparait plus sereine et moins venteuse, propice à la baignade (Fig. 1). La disposition des rochers du premier plan a un peu changé. Le dessin est dédicacé : Courdouan peut avoir repris ce point de vue pour un ami qui l’appréciait particulièrement.
1 Vente à Marseille chez Leclere, 21 octobre 2016, lot 30, huile sur panneau de bois, signée et datée 1863, 40 x 88 cm.