Pietro Faccini
Pietro Faccini
Bologne 1562 – 1602
La Prédication du Christ
Pierre noire, sanguine, lavis gris et rouge, sur vélin
326 x 347 mm (12 13/16 x 13 5/8 in.)
Venu tardivement à la peinture, Pietro Faccini a longtemps été considéré, pour reprendre les mots de Matteo Marangoni, l’un des premiers historiens de l’art qui s’est intéressé à son profil, comme « un quasi dilettante se reposant entièrement sur ses dons naturels [1]». Ces dons sont d’ailleurs décrits par Carlo Cesare Malvasia qui raconte les débuts de l’artiste dans son ouvrage Felsina Pittrice[2]. La reconstruction d’un corpus cohérent, basé sur les sources documentaires, a permis de faire émerger une personnalité active dans le sillage des Carracci mais possédant un sens esthétique propre et bien autonome. Travaillant au sein de l’atelier des Incamminati entre 1593 et 1594, Faccini restera longtemps fortement influencé par ses maîtres initiaux, malgré un penchant prononcé pour les écoles vénitiennes et parmesanes, qu’il cultive de façon indépendante. Il développe notamment un style personnel reconnaissable par l’élégance allongée de ses silhouettes, des propositions chromatiques audacieuses, ainsi que des effets luministes intenses. Après une dispute avec les Carracci, il ouvre son propre atelier, qui sera lui aussi très fréquenté. Les influences entre Faccini et les Carracci sont d’ailleurs bilatérales ; si Faccini a souvent copié ou emprunté aux Carraci, l’inverse est également vrai[3].
La qualité des dessins qui ont pu lui être rendus au fil du temps montre bien que Faccini était loin d’être un artiste dilettante et possédait un réel talent de dessinateur. Cette feuille, inédite, montre le Christ prêchant au bord d’un lac ou d’un fleuve (comme le souligne le motif du vieil homme tenant une amphore). Le dessin peut sans conteste être rattaché à l’école bolonaise. Le prédicateur et ses auditeurs se tiennent devant un paysage très influencé par la culture carrachesque et ce qu’elle a elle-même incorporé de l’école véntienne autour de Titien et Campagnola : les arbres aux tronc noueux et aux petites feuilles, la campagne vallonée, la barque sur la rivière rappellent les paysages peints et gravés par Annibale et développés par ses élèves, tels que Giovanni Francesco Grimaldi.
Certains éléments stylistiques permettent de le rattacher plus précisément à Faccini : les silhouettes drapées, les faciès un peu ramassés sur eux-mêmes, particulièrement le profil du personnage principal, les femmes coiffées de turban, les mains aux longs doigts un peu maladroits. Certains motifs sont récurrents ; ainsi le vieil homme songeur assis au pied de l’arbre, la tête posé sur sa main, celui qui rame debout dans la barque et celui du premier plan à droite, torse-nu et très vigoureux. Tous appartiennent à un type physique sans doute hérité des saints Jérôme gravés par Agostino Carracci, et répété par Pietro Faccini aussi bien dans une Sainte Famille (Christie’s, 7 juin 2002, lot 30) que dans Le Mariage mystique de sainte Catherine, avec saint Jérôme par exemple (Rome, musées du Capitole, vers 1595). L’exagération de la musculature des cuisses est typique et rappelle les études anatomiques de l’artiste, dans lesquelles les jambes en particulier sont souvent exagérément galbées.
Sur le plan technique, on retrouve sa façon de tracer les contours avec une pointe de pinceau très fine, ce qui est particulièrement visible dans la figure du Christ de notre dessin comme dans une Madeleine allongée au Louvre (Inv. INV 8228 ter) ou dans deux Figures allégoriques conservées à Rome, au Gabinetto Nazionale delle Stampe (FC 124181 recto et verso). L’utilisation du vélin comme support et la combinaison raffinée de lavis de sanguine et lavis gris sont rares chez Faccini mais son style liquide et évanescent est bien reconnaissable. Cela laisse penser qu’il s’agit d’une oeuvre en soi, destinée à être vendue ou offerte, probablement encadrée comme un petit tableau, ce que confirme le soin apporté par l’artiste à la réalisation du paysage, des vêtements et des expressions, assez inhabituel chez lui pour une œuvre graphique.
[1] M. Marangoni, « P. F. pittore bolognese », L’Arte, 1910, p. 461.
[2] Carlo Cesare Malvasia, Felsina Pittrice. Vite dei pittori bolognesi, 1678, éditionde G. Zanotti, Bologne, 1841, p. 397-401.
[3] D. Posner, « Pietro Faccini and the Carracci; Notes on some drawings in the Louvre », Paragone, XI, 1960, 131, p. 54.