Charles Nicolas Cochin
Charles Nicolas Cochin
Paris 1715 - 1790
Sculpture, Painting and Engraving Morning the Death of the Marquis de Marigny et de Ménars | La Sculpture, la Peinture et la Gravure pleurant la mort du marquis de Marigny et de Ménars

Plume et encre brune, lavis brun, lavis gris
Signé C.N. Cochin fecit
122 x 76 mm (4 ¾ x 3 in.)
Ce joli dessin à la technique raffinée est à mettre en rapport avec le frontispice gravé d'après un dessin de Cochin pour le catalogue de la vente du cabinet du marquis de Ménars – Abel Poisson de Vandières, marquis de Marigny et de Ménars – du 18 mars 1782[1]. « Les arts ont en pleurant honoré sa mémoire et son amour pour eux vivra dans leur histoire », précise la lettre de la gravure, que Bachaumont trouve « pleine de gentillesse et de goût [2] ». On voit en effet la Peinture, la Sculpture et la Gravure très affligées entourer les armes du marquis : deux poissons qui se tournent le dos. Toutes trois se tiennent au pied d'un obélisque sur lequel est placée son effigie en médaillon. Véritable hommage des arts au marquis de Marigny, la gravure de Cochin témoigne également d'une longue et fructueuse relation entre les deux hommes.
Issu de plusieurs lignées d'artistes, particulièrement de graveurs, Cochin sut faire son chemin dans le monde, s'appuyant sur les protections diverses que pouvait lui procurer sa famille. En 1739, il fut nommé aux Menus-Plaisirs ; en 1741, agréé par l'Académie royale de peinture et de sculpture. Dès 1746, il fut invité à fréquenter le salon de madame Geoffrin qui rassemblait les personnalités les plus en vue du monde de l'art et c'est à lui que fit appel la marquise de Pompadour pour éduquer le goût de son frère, Abel Poisson de Vandières, futur marquis de Marigny. Les deux hommes furent envoyés faire un voyage d'étude en Italie en décembre 1749, accompagnés de l'architecte Jacques-Germain Soufflot et du critique et théoricien d'art, l'abbé Leblanc. À la mort du directeur des Bâtiments du Roi, Lenormant de Tournehem, Marigny fut rappelé en France pour le remplacer au plus vite dans cette fonction qu'il occupa jusqu'à sa démission en 1773. Il sut s'en acquitter avec beaucoup d'intelligence, encourager des projets d'importance et nouer des rapports de confiance et d'estime avec les artistes. Cochin, lui, fut reçu à l'Académie dès son retour et reçut un logement au Louvre en 1752, à l'occasion de sa nomination de garde des dessins du roi. De 1755 à 1770, il fut administrateur des arts sous la direction de Marigny et, en tant que tel, amené à passer commande auprès des autres artistes, à établir les programmes de décoration pour les palais du roi, à accorder des pensions.
Cochin fut aussi l'excellent et prolifique portraitiste de la meilleure société parisienne, notamment lors des dîners du lundi de madame Geoffrin où, comme le rapporte le garde du Cabinet des estampes, Hugues-Adrien Joly, « tandis que les uns sont à la conversation, le S. Cochin se récrée à dessiner ou ses confères ou des amateurs, en sorte que son intention serait de les faire graver tous pour en faire une suite de portraits [3] ». Il réalisa une centaine de portraits dont les premiers furent exposés dès le Salon de 1753, dessinés systématiquement à la pierre noire, le modèle placé de profil dans un médaillon. Le portrait disposé sur l'obélisque dans ce dessin est précisément l'effigie du marquis de Marigny réalisé par Cochin dans ce contexte, en 1757 (Paris, musée Carnavalet). Il est difficile de dire si notre dessin est un projet très précis, réalisé en préparation de la gravure, ou une répétition autographe destinée à en conserver le souvenir ou à le répéter pour un amateur. Quoi qu'il en soit, il est d'un grand raffinement, par la sophistication de sa technique graphique comme par le bel équilibre de sa mise en page.
[1] Catalogue des différents objets de curiosités dans les sciences et arts qui composoient le Cabinet de feu M. le Marquis de Ménars..., par F. Basan et Ch. Joullain, Paris, 18 mars 1782.
[2] Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la République des lettres en France depuis 1762 jusqu'à nos jours ou Journal d'un observateur, Londres, chez John Adams, tome XX, p. 129, 130.
[3] Hugues-Adrien Joly, « Exposition de l'Académie royale de peinture et de sculpture, faite dans une salle du Louvre le 25 août 1753 », Mercure de France, octobre 1753, p. 164, cité dans Charlotte Guichard, Les amateurs d'art à Paris au XVIIIe siècle, Champ Vallon, 2008.